Changement de présidence à la tête de la CHEMS
Entretien avec la nouvelle présidente de la CHEMS, Noémie L. Robidas, et son nouveau vice-président Valentin Gloor.
Matthias von Orelli — Noémie L. Robidas, la directrice de l’HEMU – Haute École de Musique et Conservatoire de Lausanne, est la nouvelle présidente de la CHEMS. Avec le nouveau vice-président Valentin Gloor, directeur du département Musique de la Haute École de Lucerne, elle donnera un aperçu des idées pour la CHEMS.
Noémie L. Robidas (NR), le 31 octobre 2020, vous avez pris la présidence de la CHEMS. Que signifie cette tâche pour vous ?
Un mot clé pour moi concernant cette nouvelle tâche est « fédérer » : fédérer les collègues entre eux autour du projet de la CHEMS et fédérer la CHEMS avec le milieu musical suisse. Avec le vice-président Valentin Gloor, il s’agira également de soulever de nouvelles questions qui représentent les enjeux d’aujourd’hui pour nos écoles. Certain.es aiment imaginer que les Hautes Écoles de musique suisses sont concurrentes entre elles (ce que je n’ai pas ressenti personnellement jusqu’à présent), mais pour moi, étant donné les enjeux sociétaux actuels, il est très important de dépasser cette position et de faire preuve de solidarité afin de pouvoir relever les défis qui nous attendent. Il est important de présenter les Hautes Écoles suisses de musique comme mutuellement complémentaires et d’affirmer haut et fort la spécificité des missions propres à nos écoles parfois diluées dans le magma des hautes écoles spécialisées de Suisse.
Valentin Gloor (VG), Sie werden als Vizepräsident amten, worin sehen Sie die Herausforderung der nächsten Jahre?
Die Gesetzgebungsprozesse der letzten Jahre haben dazu geführt, dass die Fachkonferenzen – also auch die KMHS – ihre Rolle neu definieren müssen. Im von Noémie schön als « Magma » der Fachhochschulen beschriebenen Umfeld ist nicht mehr wirklich geregelt, welche Stimme eine Konferenz wie die KMHS hat, wann sie gehört wird und wozu sie sich äussern kann. Dass die KMHS als Stimme dieses wichtigen Bereichs gehört werden muss, ist aus unserer Sicht klar. Nur so können die Anliegen der tertiären Musikbildung eingebracht und fruchtbar gemacht werden. Und nur so können, im grossen Kontext, die Künste das notwendige Gewicht in der Fachhochschullandschaft aufbringen und zur Weiterentwicklung der Fachhochschulbildung und der ent-sprechenden Berufsfelder beitragen.
Madame Robidas, avez-vous une vision commune pour votre mandat de présidente et de vice-président ?
Je ne peux pas trop en dire sur notre « vision » à ce stade, car il faudra un certain temps avant qu’elle ne soit concrète. Dans tous les cas, il s’agira d’une vision co-portée avec Valentin Gloor et partagée avec les collègues de la CHEMS. En effet, la collégialité doit prévaloir dans notre organisation et les sujets bien répartis selon les forces en présence. Si certaines questions autour de la réforme de Bologne ont été objet de grands combats de 2005 à 2015, c’est maintenant d’autres défis qui nous attendent. La CHEMS doit, tout comme nos écoles, se réorienter et être perçue comme créative, force de proposition et incontournable, notamment aux yeux des autorités de financement.
VG : In der Tat müssen wir dieser Vision noch mehr Raum für die interne Diskussion geben, damit sie eine geteilte Vision der gesamten KMHS ist. Die Zusammenarbeit unter den Mitgliedern der KMHS ebenso wie die Zusammenarbeit der KMHS und ihrer Mitglieder mit weiteren Akteuren im hochschul- und kulturpolitischen Umfeld werden wesentliche Erfolgsfaktoren für unsere Arbeit der nächsten Jahre sein. Die Erarbeitung einer gemeinsamen Vision der KMHS ist dazu ein zentraler Schritt.
Vous avez étudié au Canada et en France, et avez travaillé longtemps en France. En quoi ces pays diffèrent-ils de la Suisse en termes de formation des musiciens ?
NR : Il est bien difficile de comparer ces trois pays de cette manière, d’autant plus qu’il existe encore un océan entre le Canada et l’Europe… Au Canada, les Hautes Écoles de musique sont généralement intégrées à une université – toutes les études musicales se trouvent au sein d’une même faculté.
L’enseignement supérieur de la musique en France se distingue des autres pays européens. Outre les deux CNSMD de Paris et Lyon qui offrent des conditions appréciables pour réaliser les diplômes supérieurs, ce sont une dizaine de « Pôles supérieurs » qui complètent l’offre, tous affiliés avec des universités afin que leurs diplômes (Bachelor, Master) puissent être reconnus. Les conditions d’études sont très variables et une chose est certaine, les infrastructures et les budgets alloués ne suffisent largement pas. Ceci s’explique car historiquement, c’est l’enseignement initial en Conservatoire qui détenait les moyens et ceux-ci n’ont pas été réorientés lors de la création des Pôles supérieurs. Ainsi, en France, l’enseignement initial offre de meilleures conditions-cadres tant à ses professeur.es qu’à ses élèves que celles offertes dans l’enseignement supérieur. En revanche (car tout n’est pas négatif loin de là !), la promotion de la musique en France s’inscrit dans la politique culturelle du pays, une politique qui vise à soutenir et à promouvoir la création artistique à tous les niveaux et à rendre les œuvres de cette activité créatrice, en particulier celles qui revêtent une importance artistique particulière (notamment la création contemporaine), accessibles au plus grand nombre. En ce qui concerne la Suisse, la diversité intercantonale est sans doute la richesse mais également l’enjeu le plus important à prendre en compte ! La présence de huit HEM sur le territoire helvétique est un signe fort de l’encouragement des autorités envers la culture et la musique spécifiquement. Je ne peux que m’en réjouir et œuvrer, notamment dans le cadre de mes nouvelles fonctions de présidente de la CHEMS, à mettre en avant la richesse de ces écoles pour le pays. Nous attirons des milliers de jeunes talents qui proviennent de partout dans le monde, ce qui est une grande fierté pour la Suisse. Il faut maintenant s’atteler à promouvoir et accompagner le mieux possible les jeunes talents suisses, développer la recherche artistique et nourrir le lien avec le milieu professionnel ; autant de sujets incontournables à inscrire à notre agenda au plan national.
Il est inévitable de parler de la crise COVID, qui continue d’influencer fortement notre vie quotidienne. Selon vous, comment les hautes écoles de musique suisses ont-elles été préparées à une telle situation et comment ont-elles réagi ?
NR : Je le résumerais en quelques mots : au fond, les Hautes Écoles de musique n’étaient pas vraiment bien préparées, à quelques exceptions peut-être. À l’inverse, j’ai été surprise et touchée par la rapidité avec laquelle toutes ces mesures ont pu être mises en œuvre et les écoles adaptées aux nouvelles circonstances. Il est maintenant important de tirer les leçons de période et tenter de mieux coordonner et harmoniser nos actions, à tous les étages. La CHEMS pourrait certainement offrir un espace de réflexion commune à cet égard.
VG : Dieser Reflexionsraum ist von grosser Bedeutung, um die gewonnenen Erkenntnisse für die weitere Entwicklung unserer Musikhochschulen fruchtbar zu machen. Dabei gibt es wohl mindestens drei unterschiedliche Arbeitsfelder: Die weitere Erfüllung unseres Auftrags in und trotz der schwierigen Ausgangslage hat inhaltlich neue Formen des Unterrichtens, der Zusammenarbeit, der Aufführung und Produktion und Beforschung von Musik hervorgebracht. Diese neuen Formen geben uns eine spannende Basis für nächste Schritte und Zukunftsprojekte. Die Krisenbewältigung hat aber auch strukturell unsere Musikhochschu-len – ebenso wie sämtliche Institu-tionen unserer Gesellschaft – auf eine Bewährungsprobe gestellt. Hier wurde unter dem Brennglas sichtbar, wie unsere Organisationen funktionieren, wo sich Abläufe, Zuständigkeiten und Aufgaben klären und besser verteilen lassen. Auch dieses Feld sollten wir gemeinsam reflektieren. Und last but not least hat sich gezeigt, wie belastbar unsere Ver-bindungen zum Umfeld sind – seien dies unsere jeweiligen Gesamt-Fachhochschulen oder unser Austausch mit den politischen und behördlichen Entscheidungsträger*innen. Auch dies ist zu analysieren – eine gezielte Stärkung in diesem Bereich kann die Arbeit der Musikhochschulen ganz entscheidend unterstützen.
Pour le secteur culturel en particulier, ces événements ont été et sont encore catastrophiques – quelles sont les leçons que vous en tirez actuellement ?
NR : Cette crise n’est malheureusement pas terminée. Je dois dire que je suis plus inquiète en ce moment que pendant le confinement. L’incertitude est grande, car nous voulons à nouveau organiser des concerts et des événements, et en même temps la protection de toutes les personnes concernées doit être garantie. Nous devons également comprendre à quoi ressemble cette normalité à laquelle nous aimerions revenir. À mon avis, il ne sert à rien d’être nostalgique – nous devons accepter la situation et nous y adapter, autant que possible, en étant proactifs et en inventant de nouveaux formats.
VG : Da stimme ich meiner Kollegin natürlich vollständig zu! Und gerade dies scheint mir eine wesentliche Rolle der Musikhochschule: Nicht nur als Vermittlerin des Bekannten und des Bewährten zu wirken, sondern eben auch als Labor für dasjenige, das sich noch entwickelt – offen für unerwartete Ergebnisse.
Eine wichtige Aufgabe der KMHS scheint mir aber auch darin zu bestehen, sämtliche Bemühungen unserer kulturellen sowie bildungs- und kulturpolitischen Partner zur Aufrechterhaltung und Stärkung des Kultursektors gerade in dieser prekären Situation deutlich und klar zu unterstützen.
Vous avez dit que vous vouliez faire entendre la CHEMS davantage au niveau politique également. Par où voulez-vous commencer ?
NR : Pour moi, le système politique en Suisse est parfois encore un peu mystérieux, mais je pense qu’il est important que le travail politique soit présent et visible. En fin de compte, tout est question de lobbying. Tel qu’évoqué un peu plus haut, je pense que nous devons agir avec pédagogie. Afin que les politicien.nes comprennent que les Hautes Écoles de musique se distinguent des autres HES/Universités de sciences appliquées. C’est pourquoi je considère qu’il est si important de fonctionner de façon concertée. Il faut expliquer que la musique ne peut être mesurée de manière purement économique par la vente de billets ou la énième représentation des Quatre Saisons de Vivaldi ou quantitative par le nombre de publications de nos enseignant.es-chercheur.euses. Les Hautes Écoles de musique sont aussi des laboratoires et des installations expérimentales qui doivent être soutenus et protégés parce qu’ils apportent autre chose : une vision musicale, artistique, sensible.
La CHEMS symbolise également la coopération entre les hautes écoles de musique. Comment cela fonctionne-t-il actuellement ou quel potentiel voyez-vous pour votre travail en tant que présidente ? Cela s’applique-t-il également à la coordination avec les hautes écoles partenaires étrangères ?
NR : Historiquement, il y a toujours eu des liens étroits avec les Hautes Écoles de musique en Allemagne. En outre, toutes les régions de la Suisse ont naturellement leurs propres partenariats avec les pays voisins, ce que je trouve d’ailleurs fascinant. Ces liens sont non seulement à renforcer mais également à nourrir et à conventionner éventuellement. L’Europe est si grande, il me semble qu’il faut avant tout rechercher des partenariats de qualités assortis de liens privilégiés plutôt que de vouloir les multiplier sans visée concrète ; ce sera certainement un sujet auquel Valentin Gloor et moi nous consacrerons avec la CHEMS.